Chris Marker :
Immemory One, 1997
(production et édition Centre G.Pompidou, co-production Saint-Gervais Genève)
«Dans tout cela, l'imaginaire tiendraautant de place que le souvenir proprement dit.» CHM
Ce CD-Rom n'est ni de l'ordre du documentaire, ni de lafiction, il se joue des frontières et des définitions. Acteur et spectateurimpliqué dans une réalité sociale et politique, dans tous lespays du globe, Chris Marker tente par ce travail de réunir les fragments dupuzzle de sa vie. On peut déceler l'origine de Immemory One dans unephrase tirée de Sans soleil : «une mémoire totale estune mémoire anesthésiée».
Immemory One est découpé en huit zonesconstituées la plupart du temps à partir de ses archives personnelles.Ce découpage recoupe ses centres d'intérêts: voyage, photographie,cinéma, mémoire, musée, poésie, guerre, mort, etc. Etle cliqueur est invité à voyager le plus librement possible àl'intérieur de ces zones qui supposent un certain nombre de bifurcations interneset de connexions entre elles.
La meilleure description du contenu de ce CD-Rom, ChrisMarker l'a trouvée chez Robert Hooke, l'homme qui a pressenti avant Newtonles lois de la gravitation :
«Je vais maintenant construire un modèle mécaniqueet une représentation sensible de la Mémoire. Je supposerai qu'il ya un certain endroit ou point dans le cerveau de l'Homme où l'Ame a son siègeprincipal. En ce qui concerne la position précise de ce point, je n'en dirairien présentement et je ne postulerai aujourd'hui qu'une chose, à savoirqu'un tel lieu existe où toutes les impressions faites par les sens sont transmiseset accueillies pour contemplation et de plus que ces impressions ne sont que desMouvements de particules et de Corps».
Chris Marker à propos de son CD-ROM: «De cetteconception découle la structure possible du disque, découpéen «zones» (...). Le point Madeleine (pour parler comme Hooke) se trouveà l'intersection des zones Proust et Hitchcock. Chacune d'elles à sontour recoupe d'autres zones qui sont autant d'îles ou de continents (pour parlercomme moi) dont ma mémoire contient les descriptions, et mes archives, l'illustration(..)».
Né en 1921, Chris Marker est écrivain, essayiste,photographe et cinéaste, auteur de plus de 35 films. Il apparaît augénérique de Nuit et Brouillard (Alain Resnais) au titre dedeuxième assistant et co-signe Les statues meurent aussi (Alain Resnais)en1952. Avec La Jetée, (1963) il poursuit en solitaire son explorationdes vestiges et des vertiges du temps, mais de façon purement fictionnelle,réalisé à partir de photos uniquement. Quelques films plus tardet vingt ans après, c'est Sans soleil qui réunit les images,retravaillées à l'Apple II GS, d'un va-et-vient entre les continentset qui a la forme d'un journal intime. Level 5, son dernier film*, présenteune femme (Catherine Belkhodja) qui a pour tâche de reconstruire la batailled'Okinawa sous forme de jeu vidéo, sur différents niveaux. Cette tragédieinterfère avec son histoire (la perte d'un homme qu'elle aimait). Les imagessont retravaillées avec le logiciel multimédia Hyperstudio.
Auteur notamment d'installations vidéos multimédiaset multiécrans: Zapping Zone, 1990 (Centre G. Pompidou) Silent Movie,1995 (Wexner Center, Colombus)
* diffusé le soir de l'ouverture de la 7eSemaine Internationale de Vidéo *Biennale de l'Image en Mouvement (31 octobre,20h30, à Saint-Gervais, Genève)
Sources: Cahiers du Cinéma 515 (ThierryJousse), art press 224 (Louis-José Lestocart), Centre G. Pompidou.